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Religion, politique et cinéma

Table ronde

La religion a toujours entretenu une relation ambiguë et parfois polémique avec le cinéma, et le politique n’y a jamais été pour rien. De nos jours le Septième Art reste au cœur du débat public qu’alimentent la montée électorale et l’accession au pouvoir de partis nationalistes ou dits « populistes », par exemple en Pologne, en Russie, en Inde. Il est également un vecteur de la prédication ou de la propagande fondamentaliste, singulièrement pentecôtiste et djihadiste, ou, au contraire, de sa dénonciation.

La plupart des religions se réclament de la lumière qu’elles opposent aux ténèbres. Ces dernières constituent en quelque sorte leur hors champ. Mais, dans le cadre même de l’adhésion à Dieu, l’idée de transcendance introduit un autre hors champ. Il est une forte affinité entre la représentation monothéiste du monde et le cinéma, qui implique un espace hors du cadre dans lequel, à la fois, oeuvre l’équipe technique qui crée l’action et se tient une partie de l’action elle-même. Plus compatible avec la foi monothéiste qu’on ne le dit généralement, la dimension de l’invisible, celle des esprits, des ancêtres et des sorciers – si présente dans le cinéma asiatique et africain – constitue également le hors champ de l’existence diurne.

La pensée religieuse et la réflexion cinématographique contemporaines se rejoignent également quant au statut de l’auteur, qu’elles interrogent, face à un créationnisme à plusieurs visages : religieux, cinématographique, et bien sûr littéraire. Or, les sciences sociales ne sont pas les moins bien placées pour approfondir cette question de l’écriture cinématographique de la foi. La façon de construire leur objet consiste à fabriquer une image par rapport à un hors champ selon un jeu de focales créatif, dans le but de donner à penser. La bonne recherche vous transporte, comme le fait un film. Parallèlement les sciences sociales ont dissipé la notion d’auteur, notamment sous la plume de Michel Foucault et Gilles Deleuze. Enfin elles sont confrontées à la même difficulté que le réalisateur : comment analyser, comment filmer l’expérience indicible des logiques intrinsèques de la foi et de la transcendance, en évitant le matérialisme vulgaire de leur réduction à des facteurs profanes, sans tomber pour autant dans le piège de la surinterprétation religieuse ?

Animé par Jean-François Bayart, spécialiste de sociologie historique à l’IHEID de Genève et Thomas Gmür, doctorant à l’IHEID de Genève.

Ils seront présent pour le Focus

JEAN-FRANÇOIS BAYART

Spécialiste de sociologie historique du politique à l’IHEID de Genève, a notamment publié, en 1996, L’Illusion identitaire (réédition en poche « Pluriel » en 2018).

THOMAS GMÜR

Chercheur doctorant en science politique à l’IHEID et co-directeur des Entretiens de la chaire Yves Oltramare, il travaille sur les problématiques de la démocratie contemporaine

KATHY ROUSSELET

Directrice de recherche au Centre de recherches internationales de Sciences Po. Elle travaille depuis de nombreuses années sur les questions religieuses en Russie, et notamment sur le rôle joué par l’Église orthodoxe russe dans la mémorialisation du passé russe et soviétique. Elle a ainsi étudié les pratiques de vénération de la famille impériale dans la ville de Ekaterinbourg (Oural), lieu de son assassinat en juillet 1918.

MATEUSZ PACEWICZ

Scénariste et réalisateur polonais

Membre de l’Académie des arts et des sciences du cinéma, de l’Académie polonaise du film et de l’Académie européenne du film. Scénariste du film La Communion.